Résultats Scientifiques Odin en Astronomie
Parmi l'ensemble des résultats remarquables obtenus on peut mentionner la découverte de l'eau H2O et de ses isotopologues dans une dizaine de comètes et de nombreuses sources galactiques, la mesure de H2O dans l'atmosphère de Mars avec une précision exceptionnelle, l'emission d'ammoniaque (NH3) dans une étoile très riche en carbone, le survey spectral dans la direction d'Orion et du centre galactique, la très faible abondance de l'oxygene moléculaire (ou di-oxygène, O2) qui met à mal les modèles théoriques, et les observations en cours de structures spectrales sur le fond cosmologique.
Observations cométaires avec Odin
Fig.1: La raie de rotation fondamentale de l'eau à 556.9 GHz observée dans la comète C/2001 Q4 (NEAT) avec Odin et son Spectromètre Accousto-Optique (AOS).
Après 4 années d'opération, Odin a observé la raie fondamentale de rotation de l'eau à 557 GHz, avec une grande résolution spectrale (0.15 kms-¹) dans 10 comètes à la date d'aujourd'hui. Grâce à sa couverture en fréquence, il a aussi permis la première détection de la raie à 548 GHz de l'espèce isotopique H218O dans la comète 153P/Ikeya-Zhang en Avril 2002 (Lecacheux et al. 2003, A&A 402, L55). Cette raie a été récemment aussi détectée dans trois nouvelles comètes du nuage de Oort en Mai 2004 et Janvier 2005 (Fig. 2). Le rapport H216O/H218O mesuré dans toutes ces comètes est proche de la valeur terrestre (499) aux incertitudes de mesure près. En raison de son opacité dans l'atmosphère des comète, la raie de H2O apparaît décalée vers le rouge en raison de l'auto-absorption dans l'atmosphère de la comète côté observateur (Fig. 1). En plus de fournir des informations sur la forme des raies, Odin a pu réaliser des cartes étendues (au moins larges de 3 lobes de 2.2') de 4 comètes (Fig. 3). Cela fournit des contraintes supplémentaires pour la modélisation de l'émission de l'eau et l'importance du rôle des collisions pour en déduire des taux de dégazage d'eau précis. La raie fondamentale de l'Ammoniaque à 572.5 GHz a été cherchée en parallèle dans 3 comètes et détectée marginalement dans C/2001 Q4 (NEAT).
[Tiré de Hjalmarsson et al., Adv. Sp. Res., 2005]
Fig. 2: La raie de rotation fondamentale de l'isotope H218O à 547.7 GHz observée en parallèle dans la comète C/2001 Q4 (NEAT) avec Odin et un de ses autocorrrelateurs.
Fig. 3 : Résultat de la cartographie (7x7 points espacés de 1') de la raie à 556.9 GHz de l'eau dans la comète C/2001 Q4 (NEAT) le 16 Mai 2004. L'intensité lumineuse est proportionnelle à l'aire intégrée de la raie en chaque point. Le pic d'intensité est à 19 Kkms-¹ au centre.
Comètes observées par Odin (Mesures du taux de dégazage d'eau)
Comètes | Dates des Observations | Rh (UA) | ![]() | Remarques |
C/2001 A2 (LINEAR) | 2001/04/27 2001/06/20-07/09 | 0.94 1.05 | 0.83 0.26 | Première observation Cartes |
19P/Borrelly | 2001/09/22-24 2001/11/05 | 1.36 1.48 | 1.47 1.34 | Survol de Deep Space 1 |
C/2000 WM1 (LINEAR) | 2001/12/07 2002/03/12 | 1.13 1.16 | 0.33 1.24 | Carte |
153P/2002 C1 (Ikeya-Zhang) | 2002/04/22 2002/04/24-28 | 0.92 1.00 | 0.42 0.41 | Carte Détection H218O |
C/2002 X5 (Kudo-Fujikawa) | 2003/03/03-30 | 0.99-1.53 | 0.93-1.54 | Suivi de l'évolution du dégazage |
29P/Schwassmann-Wachmann 1 | 2003/06/23-29 | 5.75 | 5.31 | Limite supérieure (non détectée) |
2P/Encke | 2003/11/16,23 | 1.03, 0.91 | 0.26 | |
C/2002 T7 (LINEAR) | 2004/01/26,02/01 | 1.76, 1.67 0.94 | 1.86, 1.91 0.33-0.49 | Suivi de l'évolution du dégazage Détection H218O, recherche NH3 |
C/2001 Q4 (NEAT) | 2004/03/06-04/14 2004/04/26-05/02 2004/04/15-16 | 1.52-1.11 1.01 0.96 | 1.73-0.79 0.45-0.34 0.44 | Suivi de l'évolution du dégazage Détection H218O, recherche NH3 Carte |
C/2003 K4 (LINEAR) | 2004/11/27-2005/02/19 | 1.27-2.23 | 1.16-2.23 | Suivi de l'évolution du dégazage |
C/2004 Q2 (Machholz) | 2005/01/17-23 | 1.21 | 0.39-0.43 | Détection H218O, recherche NH3 |
rh : distance au Soleil en unités astronomiques (UA) : distance à la Terre en UA.
Observations de Mars en 2003 avec Odin
Fig. 4 : H2O en novembre dans l'atmosphère de Mars par Odin avec l'AOS
En raison de ses contraintes d'élongation solaire, Odin n'a pas pu observer la planète rouge à son opposition en août 2003, mais l'a observé à 2 occasions, du 14 au 18 Juin et du 2 au 9 Novembre. Grâce à la flexibilité de son système de récepteurs il a été possible à chaque fois d'obtenir une couverture complète sur 4 GHz de la raie fondamentale de l'eau à 557 GHz (Fig.4). La présence de vapeur d'eau dans l'atmosphère de Mars est connue depuis des décennies mais il n'avait jamais été possible de l'observer à la fois à haute résolution spectrale (1 MHz) et sur une large bande de plus de 4 GHz nous permettant de voir la raie complète.
Le spectre (fig. 4) est en réalité le résultat de 5 réglages consécutifs couvrant chacun 1 GHz. En parallèle, les autres récepteurs ont été utilisés pour chercher O2 at 487 GHz en Juin (une limite supérieur d'abondance de l'ordre de 0.3% est déduite), et mesurer le profil de raie de H218O (Fig.5) et CO(5-4) (Fig.6) en Novembre. Bien que Odin soit dépourvu de résolution spatiale (son lobe d'antenne mesures 2.2' alors que le diamètre apparent de Mars était de l'ordre de 14''), ces résultats sont complémentaires et en total accord avec les mesures in-situ des sondes en orbites martienne. Grâce aux observations simultanées d'une raie forte (H2O à 557 GHz) et faible (H218O à 548 GHz) de la vapeur d'eau à haute résolution spectrale, il a été possible de contraindre la distribution verticale moyenne de la vapeur d'eau dans l'atmosphère de Mars. Un rapport de mélange à la surface de 2-3x10-4 pour les 2 époques a été déduit, correspondant à une densité colonne de 10-15 µm précipitable. La raie de CO(5-4) fournit des contraintes supplémentaires sur le profil vertical de la température.
[Tiré de Biver et al., A&A, 2005]
Fig. 5 : H218O en novembre dans l'atmosphère de Mars par Odin, avec l'autocorrelateur 1
Fig. 6 : CO en novembre dans l'atmosphère de Mars par Odin, avec l'autocorrelateur 2
Observations du milieu interstellaire avec Odin
La recherche de l'Oxygène moléculaire dans l'Univers
L'oxygène moléculaire est le composé fondamental de l'atmosphère terrestre qui nous fait vivre. Sa présence massive dans l'atmosphère nous "aveugle" et nous empêche de l'observer dans l'univers. La meilleure stratégie est alors de placer un télescope au-dessus de l'atmosphère pour échapper à celle-ci. C'est ce qui a été fait en réalisant Odin, équipé de deux récepteurs sensibles à la présence d'oxygène moléculaire. Des recherches dans de nombreuses régions différentes de notre galaxie ont été lancées, depuis les nuages moléculaires froids et inactifs (dans les constellations du Taureau ou de la Licorne) jusqu'aux régions de formation d'étoiles massives comme le grand nuage d'Orion ou le Centre Galactique. Malgré des recherches très profondes, se traduisant par des centaines d'heures d'observations pour chacune de ces directions individuelles, on n'a pas pu trouver la moindre trace de cet oxygène. Or l'oxygène comme élément chimique est très abondant dans l'univers, c'est le troisième plus abondant après l'hydrogène et l'hélium. L'oxygène est présent dans de nombreuses espèces interstellaires (monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, plus connu sous le nom de gaz carbonique sur terre mais observe que comme neige carbonique dans l'espace, eau, méthanol, éthanol = alcool, etc...) mais pas celle que nous attendions le plus ! C'est à présent un mystère que nous ne savons pas expliquer. Odin a réalisé là des observations qu'il sera difficile d'améliorer même avec la prochaine génération de télescopes spatiaux (Herschel). Il reste aux théoriciens à nous expliquer le pourquoi de ce mystère.
L'eau dans une région de formation d'étoile
Plusieurs phénomènes physiques, aux effets antagonistes régissent la formation stellaire. L'effondrement résulte de l'effet majeur de la gravite, qui conduit a la formation de noyaux protostellaires. Mais la pression thermique (résultant de l'échauffement accompagnant la compression du gaz dans l'effondrement), la force centrifuge (en cas de rotation) et les forces magnétiques contribuent à perturber également l'effondrement gravitationnel.
L'évacuation de la chaleur crée par la compression se fait en rayonnant l'énergie accumulée sous forme de spectre continu par les grains de poussières, et sous forme d'un spectre discret de raies pour les espèces gazeuses. H2O (et aussi CO, C) fait partie des espèces clés qui contribuent le plus au refroidissement du gaz.
En haut : IRAS16293 est un système binaire d'étoile en formation dans le complexe proche de rho-Ophiuchi. Du fait de l'effet couplé de la rotation et du champ magnétique, chaque proto-étoile expulse, en se formant, de puissants jets moléculaires diamétralement opposés, associés à la propagation d'ondes de choc à des vitesses vertigineuses (~ 15 km/s). En bas : La mesure du profil spectral de l'émission de H2O avec ODIN permet de tracer la dynamique complexe de la région et de mieux comprendre les processus physico-chimiques en jeu. Le spectre observé avec ODIN peut être modélisé comme résultant de la superposition de deux sources d'émission : celle des molécules d'eau associées au gaz dans l'effondrement du disque proto-stellaire et dans les jets moléculaires. Le motif vu en 'creux' est celui d'une auto-absorption de l'eau présente dans le gaz du nuage froid entourant la proto-étoile.
Relevé spectral dans la direction d'Orion
Ce relevé spectral, explorant pour la première fois un grand nombre de transitions moléculaires, a mis en évidence une très grande variété de molécules présentes dans la région de formation d'étoiles d'Orion. Ces mesures permettent de mieux comprendre les conditions physiques du milieu et la richesse des réactions chimiques qui s'y produisent [Hjalmarson et al. 2004, Cospar].
A la recherche de l'eau dans les nuages denses et froids pré-stellaires
Mesure dans le domaine spectral de la raie ortho-H20 à 555 GHz en direction du nuage sombre Cha-MMS1. La non-détection de la raie malgré la grande sensibilité de la mesure permet de déduire une limite supérieure de l'abondance fractionelle de l'eau en direction de cet objet, et de mieux contraindre les modèles de chimie. Cette valeur est mille fois plus faible que ce qui est observé dans les régions de formation d'étoiles, confirmant ainsi la sous-abondance importante de l'eau en phase gazeuse dans les environnements denses et froids. Dans ces milieux, l'eau s'est probablement condensée sur les grains de poussière interstellaire, formant des manteaux de glace, et modifiant ainsi les propriétés physico-chimiques du milieu.